Ebusco veut se connecter au marché français

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CROISSANCE. Aperçus et reconnus sur les Salons professionnels, les bus électriques Ebusco font figure de curiosités pour les acteurs du transport public français. Depuis ses premiers succès, en 2013, la start-up néerlandaise a pris ses marques à domicile et en Europe du Nord. Elle poursuit sa croissance et continue à innover, en se développant à l’international. Et la France figure à son agenda pour 2021. Sandrine Garnier, Rédactrice en chef BUS & CAR Connexion (busetcar.com)

Il est 11 heures du matin, un vendredi de septembre, au dépôt de bus de Dordrecht (Pays-Bas) : ils sont deux, pour superviser les 18 lignes du réseau urbain opéré par Qbuzz. Sur leur écran, ils peuvent suivre en temps réel les 37 bus électriques en circulation. Outre la position des véhicules, leur vitesse, le respect des horaires, le SAEIV indique également leur autonomie. Chaque bus effectue environ 250 km par jour, sans aucun problème puisque les bus standard Ebusco 2.2 mis en service en mars 2019 affichent une autonomie de 350 km, et bénéficient de la récupération d’énergie au freinage. Ils sont rechargés de nuit au dépôt, grâce à 36 bornes ABB. Trois installations de charge par opportunité sont également réparties sur le réseau. Mais personne ne les utilise. Comme l’arrêt est prévu dans le plan de charge, les conducteurs en profitent pour prendre un café ou se dégourdir les jambes… Ebusco préconise d’ailleurs de s’en tenir à la charge nocturne, qui permet de prolonger la durée de vie des batteries.
Adoptée fin 2017, la feuille de route de la transition énergétique fixe la fin du diesel à 2030. Dès à présent, les opérateurs de transports publics n’achètent plus de véhicules thermiques. Qbuzz, ex-filiale des chemins de fer néerlandais (NS) vendue aux chemins de fer italiens (FS) en 2017, a ainsi acheté 162 bus électriques pour un montant de 100 millions d’euros en mars 2019. La commande comprend 60 véhicules Ebusco, 43 VDL Citea, et 59 GX 437 Heulliez. Arriva, filiale de la Deutsche Bahn, qui exploite près de 100 bus électriques dans la seule province du Limbourg, en a commandé 50 de plus à VDL. Et Connexxion, filiale du français Transdev, réceptionne une commande de 156 bus électriques Ebusco, destinés à desservir les zones d’Amsterdam, de Schiphol et de Haarlem. Ce marché de 130 millions d’euros comprend également les bornes de charge, pour une recharge de nuit au dépôt, ainsi que des systèmes de recharge par opportunité. La mise en service des 156 bus électriques permettra d’éviter 15 000 tonnes d’émissions de CO2 par an.

156 bus pour Connexxion
« Ebusco ne se contente pas de livrer les véhicules à ses clients pour les laisser se débrouiller ensuite avec la mise en service. Nous avons envoyé une équipe qui va rester sur place pendant 30 jours afin de former les conducteurs et d’assurer le démarrage de l’exploitation. Nous accompagnons l’opérateur de façon à ce que tout fonctionne parfaitement », déclare Michel Van Maanen, directeur commercial et directeur des opérations d’Ebusco. Connexxion sera également le premier opérateur à mettre en service des bus équipés de caméras HD en lieu et place des rétroviseurs. Ce dispositif permet d’accroître la sécurité, en réduisant l’angle mort. Les conducteurs bénéficient d’une formation spécifique, à la fois pour se familiariser avec la conduite du véhicule électrique, et pour maîtriser les systèmes d’aide à la conduite. Chaque conducteur a la possibilité d’enregistrer la configuration de son poste de conduite, qui va ensuite s’ajuster en quelques secondes à chaque prise de service.


Avec plus de 280 bus en circulation ou en commande, Ebusco a fait ses preuves aux Pays-Bas, en adressant différents segments du marché : outre les 37 bus urbains de Dordrecht, 60 bus intercité sont en service à Groningue-Drenthe, 20 à Utrecht, 45 vont être livrés à Haarlem et 111 à Amsterdam en fin d’année, alors que 10 bus sont attendus à Tienen en avril 2021. En Allemagne voisine, douze bus circulent déjà à Munich, quatre autres à Bonn, et Francfort va en recevoir 25 en décembre et
janvier prochain… Dix bus sont également en circulation en Belgique, à Tirlemont, opérés par Multiobus.
Ebusco, dont le siège est à Deurne, dans le Brabant, étend désormais ses implantations à l’international. En plus d’une représentation en Suède, la société s’est également implantée en Australie, à Sydney et Melbourne, ainsi qu’en Chine, à Xiamen. Prochaine étape : le marché français. La filiale française d’Ebusco, dont les statuts sont en cours de finalisation, va ouvrir ses bureaux dans le 8e arrondissement de Paris. Présidée par Michel Van Maanen, Ebusco France va être dotée d’une équipe réduite et réactive, constituée de professionnels du transport public, avec Jean-François Chiron à la direction générale.
Cet ancien directeur adjoint France de Transdev aborde cette nouvelle étape professionnelle avec enthousiasme : « Après avoir travaillé pour un opérateur, je suis très motivé par le fait de changer de point de vue, et de me retrouver du côté du constructeur, sourit-il. Et m’intégrer au sein d’une PME qui fonctionne comme une start-up me donne un sentiment de liberté et d’efficacité extraordinaire ! » Ebusco, qui a vendu quatre bus à Transdev TVO, dans les Hauts-de-Seine, compte bien gagner de nouveaux marchés. La société va également structurer son réseau de SAV avec un ou plusieurs partenaires locaux.


Le siège d’Ebusco est situé à Deurne, dans le Brabant

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Ebusco 3.0 : radicalement différent
Ebusco fait partie des nouveaux acteurs du véhicule électrique. La première critique que lui adressent ses concurrents est d’ailleurs de ne pas être un véritable constructeur, de ne pas avoir de passé dans l’automobile ou le véhicule industriel. Pour les dirigeants de la société et leur équipe d’ingénieurs, cette caractéristique n’a rien d’une faiblesse. Elle leur permet, bien au contraire, d’aborder le véhicule électrique avec un oeil neuf. Ou plus exactement de s’affranchir de l’environnement automobile. C’est en effet avec des experts issus de l’aéronautique qu’Ebusco travaille à la mise au point de son prochain bus. Tjaard Sijpkes, directeur de la technologie d’Ebusco, a exercé les mêmes fonctions chez Fokker. Fabriqué à base de fibre de verre et de fibre de carbone, l’Ebusco 3.0 déconstruit les codes du bus urbain.
L’utilisation de ces matériaux permet à la fois d’alléger la caisse, de la rendre insensible à la corrosion, et de modifier totalement les process de production.

Innovation dans l’air
« La phase de conception est plus longue que pour un véhicule classique, reconnaît Michel Van Maanen, directeur commercial et directeur des opérations d’Ebusco, mais une fois que les ajustements seront terminés, le résultat sera à la hauteur des attentes : des véhicules sans vis ni boulon, avec des batteries intégrées dans le plancher, ce qui laissera davantage de place aux voyageurs et facilitera la circulation à l’intérieur du bus. »
Présenté à Busworld 2019, l’Ebusco 3.0 a remporté un prix de l’innovation. Il a également été distingué cette année dans le cadre de l’Automotive Brand Contest, dans la catégorie « véhicules utilitaires » de ce concours international organisé par la filière automobile allemande. Trois prototypes sont en cours de finalisation dans les ateliers de Deurne. Revêtus d’une livrée bleue, ils sont destinés à être testés à partir du printemps prochain par les transports publics de Munich (MVG),
partenaires d’Ebusco depuis 2016. La mise sur le marché du 3.0 marque une étape décisive dans la croissance d’Ebusco, qui va doubler ses capacités de production : « C’est une révolution structurée. Il faut à la fois croître, innover, et garder le contrôle », déclare Michel Van Maanen, qui ne doute pas de la réponse du marché.

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Composants européens à 80 %
Fondée en 2010 par Peter Bijvelds, Ebusco illustre parfaitement le basculement induit par le développement de l’électromobilité. Cet ancien pilote de rallye a commencé par s’intéresser aux voitures électriques, avant de reporter son choix sur les bus. Le premier prototype a été présenté en 2012 à l’IAA d’Hanovre, avec une autonomie de 300 km, déjà impressionnante pour l’époque. Soutenu par un crédit de 4,5 millions d’euros accordés par le ministère néerlandais des Affaires économiques, le projet aboutit à la mise au point d’un premier véhicule, homologué pour toute l’Europe, et qui commence à rouler en Finlande. Lauréat de l’Ecology Label Award en 2013 et 2015, Ebusco bénéficie en 2016 d’une participation de la banque néerlandaise ING à son capital. En 2018, l’entreprise développe un bus affichant une autonomie de 450 km pour les transports régionaux de la Deutsche Bahn. En 2018, Ebusco, qui emploie 140 salariés, installe son siège sur 7 000 m2 à Deurne.
C’est là que les véhicules, qui arrivent de Chine par lots d’une quarantaine, sont finalisés. La capacité de production est actuellement d’un véhicule par jour, et devrait doubler à court terme. D’ici deux ans, la surface occupée par l’entreprise sera de 18 000 m2, pour accompagner la croissance. 80 % des composants des bus sont européens : Continental ou Michelin pour les pneus, Kiel ou Ster pour les sièges passagers, Isri pour le siège conducteur, Knorr-Bremse pour le système de freinage,
Valeo pour le chauffage, Thermoking pour la climatisation, Ventura pour les portes, Viriciti pour le système de surveillance, Wabco pour la suspension, ZF pour les essieux… Les batteries LFP, qui réduisent considérablement le risque d’embrasement, sont fournies par CATL pour les versions 525 et 423 kWh, et par Gotian pour la version 423 kWh. Elles sont garanties 8 ans, tout comme les châssis. La garantie générale des véhicules et des chargeurs est de deux ans.

Focus sur le TCO
En proposant à la fois les véhicules, le système de charge, la gestion de flotte, et les dépôts, Ebusco s’engage sur la maîtrise des coûts. Avec son partenaire bancaire ING, le constructeur propose, aux Pays-Bas, un contrat global, comprenant le financement des véhicules. Sur la base de 80 000 km par an sur dix ans, le prix au kilomètre peut ainsi être établi à 88 centimes d’euros. Il se décompose de la façon suivante : 52 centimes pour le bus, 7 centimes pour le chargeur, 4 centimes pour les frais financiers, 16 centimes pour la maintenance et 9 centimes pour l’énergie. Ce calcul n’intègre pas le prix du dépôt. La recherche du meilleur coût passe également par l’optimisation du réseau, et nécessite dans tous les cas une réorganisation des lignes et de l’exploitation. La conversion à l’électrique d’un réseau thermique doit être accompagnée d’une mise à plat de l’offre.

Article Bus & Car_sept 2020